Histoire de la chevalerie française

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Histoire de la chevalerie française

Messagede Alexandre » Mar Juil 21, 2009 7:52 am

Texte poster par Werner :
Voici un ouvrage fort intéressant sur la chevalerie, dont je propose de diffuser un extrait chaque semaine.

Bonne lecture…


HISTOIRE
DE LA
CHEVALERIE FRANÇAISE.
PAR J. M. GASSIER.

CHAPITRE PREMIER.

L'ancienne Chevalerie.
La chevalerie fut créée pour récompenser la valeur, et pour être le prix du sang versé pour la patrie. Qu'ils connaiSsoient bien, ces souverains , la nation qu'ils gouvernoient, lorsqu'ils instituèrent les ordres de chevalerie ! Persuadés qu'une récompense pécuniaire seroit recue avec indifférence , et que le Français , plus sensible au don d'un simple ruban qui attesteroit à chaque instant ses exploits, affron. teroit mille dangers pour l'acquérir, ils attachèrent donc des titres et des prérogatives à ce don, qui, transmis d'âge en âge, rappelle à nos contemporains la gloire et les exploits de nos ancêtres. L'objet que je me propose , en donnant une idée de l'ancienne chevalerie, est de faire connoître la nature et l'utilité d'un établissement qui fut l'ouvrage d'une politique éclairée, et la gloire des nations chez lesquelles il étoit en vigueur.
La chevalerie, considérée comme une cérémonie par laquelle les jeunes gens destinés à la profession militaire , recevant les premieres armes qu'ils devoient porter, étoit connue du tems de Charlemagne. Il donna solennellement l'épée et tout l'équipage d'un homme de guerre au prince Louis-le-I)ébonnaire, son fils, qu'il avoitfait venir d'Aquitaine. Ou en trouve de semblables exemples sous la première race de nos rois ; mais à regarder la chevalerie comme une dignité qui donnait le premier rang dans l'ordre militaire , et qui se çonféroit par une espèce d'investiture accompagnée de certaines cérémonies etd'unsermentsolennel, elle ne remonte pas au-delà du onzième siècle. Alors le gouvernement français sortit du cahos où l'a- voient plongé les troubles qui suivirent l'extinction delaseconderacede nos rois. Le caractère que l'on reconnoît dans les formalités de la chevalerie, peut nous faire conjecturer qu'il faut en chercher l'origine dans les fiefs mêmes et dans la politique des souverains et des hauts barons.
Ils voulurent sans doute resserrer les liensde la féodalité en ajoutant à la cérémonie de l'hommage , celle de donner les armes aux jeunes vassaux dans les premieres expéditions où ils devoient les conduire. Comme tout chevalier avoit le droit"de faire des chevaliers, on vit sans jalousie le suzerain user d'un pouvoir que l'on partageoit avec lui.
L'honneur d'avoir été armé dans les fêtes, les distributions qui s'y faisoient de riches étoffes et de manteaux magnifiques, et dont celui qui recevoit chevalier faisoit tous les frais, et le désir de paroître digne de cette faveur signalée, furent pour ces nouveaux guerriers des motifs puissaus pour voler à la gloire.
Il est à propos de donner un aperçu des cérémonies usitées pour la création d'un chevalier. Des jeûnes austères , des nuits passées en prières, avec un prêtre et des parrains, dans des églises ou dans des chapelles , les sacre- mens de la Pénitence et de l'Eucharistie reçus avec dévotion, des bains qui figuroient la pureté nécessaire dans l'état de la chevalerie, des habits blancs, comme symbole de cette même pureté, un aveu sincère de toutes les fautes de sa vie, étoient les préliminaires de la cérémonie par laquelle le novice alloit être ceint de l'épée de chevalier. Après avoir rempli tous ces devoirs , il entroit dans une église, et s'avancoit vers l'autel avec cette épée passée en écharpe à son col. Il la présentoit au prêtre célébrant, qui la bénissoit. Le prêtre la remet- toit ensujte au col du novice. Celui-ci, dans un habillement très - simple , alloit ensuite , les mains jointes, se mettre à genoux devant et aux pieds de celui ou de celle qui devoit l'armer.
Cette scène auguste se passoit dans une église ou dans une chapelle, et souvent aussi dans la salle ou dans la cour d'un palais ou d'un château, et même en pleine campagne. Le seigneur, à qui le novice présentoit l'épée , lui demandoità quel dessein il désiroit d'entrer dans l'ordre ; si ses vœux ne tendoient qu'au maintien et à l'honneur de la chevalerie. Le novice faisoit les réponses convenables ; et le seigneur, après avoir recu son serment, con- sentoità lui accorder sa demande. Aussitôt le novice étoit revêtu par un ou plusieurs chevaliers , quelquefois par des dames ou des demoiselles , de ' toutes les marques extérieures de la chevalerie. On lui donnoit successivement et dans l'ordre ci-après, i.° les éperons, en commençant par la gauche ; 2.° le hautbert, ou la cotte de maille, la cuirasse , les brassards et les gantelets ; puis on lui ceignoitl'épée. Quand
11 avoit été ainsi adoubé , c'est-à-dire revêtu de son armure , il restoit à genoux avec la contenance la plus modeste. Alors le seigneur ou chevalier qui devoit lui conférer l'ordre , se levoit de son siége ou de son trône, et lui donnoit l'accolade ou l'accolée. C'étoit ordinairement trois coups du plat de son épée .nue sur l'épaule ou sur le col de celui qu'il faisoit chevalier ; c'étoit quelquefois un coup de la paume de la main sur la joue. On prétendoit par-là l'avertir de toutes les peines auxquelles il devoit se préparer, et qu'il devoit supporter avec patience et fermeté , s'il vouloit remplir dignement son état.
En donnant l'accolade, le seigneur pronon- çoit ces mots : Au nom de Dieu, de saint Michel et saint Georges, je te fais chevalier. On y ajoutoit quelquefois : soyez preux, hardi et loyal. 11 ne lui manquoit plus que le heaume ou casque , l'écu ou bouclier, et la lance qu'on lui donnoit aussitôt} ensuite on amenoit un cheval qu'il montoit souvent sans s'aider de l'étrier. Pour faire parade de sa nouvelle dignité autant que de son adresse, il caracoloit en faisant brandir sa lance et flamboyer son épée. Peu après, il se montroit dans le même équipage, au milieu d'une place publique. La création d'un nouveau chevalier , étoit en même temps célébrée par les acclamations du peuple, qui s'empressoit de.marquer, par des danses faites autour de lui, la joie qu'il ressen- toit d'avoir acquis un nouveau chevalier. On peut présumer assez de la piété de nos anciens chevaliers , pour croire qu'ils renouveloient tacitement leurs vœux aux grandes fêtes, puis- qu'alors se tenant debout lorsqu'on lisoit ou chantoit l'évangile , ils mettoient l'épée à la main , et la tenoient la pointe en haut, pour marquer la disposition continuelle où ils étoient de défendre la foi.
Indépendamment de la défense de la religion , des ministres et-des temples, à laquelle s'étoit engagé le nouveau chevalier, en vertu des autres lois de la chevalerie, les veuves, les orphelins, et tous ceux que l'injustice faisoit gémir dans l'oppression , étoient en droit de réclamer la protection d'un chevalier , et d'exiger pour leur défense , non seulement le secours de son bras , mais encore le sacrifice de son sang, et de sa vie.
Se soustraire à cette obligation, c'étoit manquer à une dette sacrée , c'étoit se déshonorer pour le reste de ses jours. Les dames avoient encore un privilège plus particulier. Sans armes pour se maintenir dans la possession de leurs biens, dénuées des moyens de prouver leur innocence attaquée , elles auroientvu souveat leur fortune et leurs terres devenir la proie d'un voisin injuste et puissant, pu leur réputation succomber sous les traits de la calomnie, si les chevaliers n'eussent toujours été prêts à s'armer pour les défendre. C'étoit un des points capitaux de leur institution , de ne point médire des dames, et de ne point permettre que personne osât en médire devant eux.
Si la négligence à s'acquitter de ce qu'ils devoient à des particuliers opprimés ou offensés, étoit seule capable de les diffamer , de quel opprobre ne se seroit pas couvert celui qui, dans la guerre, auroit oublié ce qu'il devoit à son prince ou à sa patrie ? Mais la sévérité de la justice et la rigueur de la guerre devoient être encore tempérées , dans la personne du chevalier, par une douceur, une modestie, une politesse, que le nom de courtoisie exprimoit parfaitement , et dont on ne trouve dans aucunes autres lois des préceptes aussi formels que dans celles de la chevalerie. Aussi nulle autre loi n'insiste avec tant de force sur la nécessité de tenir inviolablement sa parole, et n'inspire tant d'horreur pour le mensonge et la fausseté.


Pour les commentaires du texte et dissertation sur les saints : c'est par ici :)
Régiment de Gassion : reconstitution historique Guerre de trente ans.
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Re: Histoire de la chevalerie française

Messagede Werner » Ven Juil 24, 2009 11:23 am

Suite de "Histoire de la chevalerie française" par J.M. GASSIER

Son point de vue reste curieux mais non dénué d'intérêt, bonne lecture.

Les occasions les plus communes et les plus fréquentes où l'on faisoit des chevaliers, sans parler de celles que la guerre fournissoit ctoient les grandes fêtes de l'Église , sur-tout la Pentecôte, les publications de paix ou de trêves, le sacre ou le couronnement des rois , la naissance ou baptême des princes des maisons souveraines, les jours où ces princes recevoient eux-mêmes la chevalerie , leurs fiançailles , leurs mariages et leurs entrées dans les principales villes de leur domination. Dans les temps de paix, l'appareil et le cérémonial de leur promotion, étoit plus régulier et plus pompeux. Les chevaliers alors n'avoient d'autres moyens pour témoigner leur recon- noissance de la faveur qu'ils venoient de recevoir , que de donner aux princes une image vivante des combats , par le spectacle des tournois, qui suivoient presque toujours leur promotion. Ils y signaloient à l'envi leur adresse, leur force et leur bravoure.
Tandis qu'on préparoit les lieux destinés aux tournois , on étaloit le long des cloîtres de quelques monastères voisins, les écus armoriés de ceux qui prétendoient entrer dans les lices ; ils y restoient plusieurs jours exposés à la curiosité et à l'examen des seigneurs, des dames et des demoiselles ; un héraut ou poursuivant d'armes , nommoit aux dames ceux à qui ils appartenoient ; et si, parmi les prétendans il s'en trouvoit quelqu'ur. dont une dame eût sujet de se plaindre, soit parcequ'il avoit mal parle d'elle, soit pour quelqu'autre oflense ou injure, elle touchoit le timbre ou écu de ses armes, pour le recommander aux juges du tournois, c'est-à- dire pour leur en demander justice. Ceux-ci, après avoir fait les informations nécessaires , devoient prononcer : et si le crime avoit été prouvé juridiquement, la punition suivoit de près. Le chevalier se présentoit-il au tournois malgré les ordonnances qui l'en excluoient, une grêle de coups , que tous les autres chevaliers faisoient tomber sur lui , le punissoit de sa témérité, et lui apprenoit à respecter l'honneur des dames et les lois de la chevalerie.
La merci des dames qu'il devoit réclamer à haute voix , étoit seule capable de mettre des bornes au ressentiment des chevaliers et au châtiment du coupable.
Gomme la chevalerie s'étoit toujours étudiée à .représenter dans les tournois un tableau fidelle des travaux et des périls de la guerre , elle avoit toujours conservé dans la guerre même une image de la courtoisie et de la galanterie qui régnoient dans les tournois. Le désir de plaire à sa dame , de paroître digne d'elle , étoient pour un chevalier, dans les véritables combats comme dans les combats simulés , un autre motif qui le portoit aux actions héroïques , et mettoit le comble à son intrépidité. Combien de fois ne vit-on pas à la guerre, des chevaliers prendre les noms de poursuivans d'amour et d'autres titres pareils, se parer du portrait, de la devise de leur maîtresse , aller dans les sièges offrir le combat à l'ennemi pour lui disputer l'avantage d'avoir une dame plus belle et plus vertueuse que la sienne, et de l'aimer avec plus de passion ! . '
Prouver la supériorité de sa valeur, c'étoit alors prouver l'excellence et la beauté de la dame qu'on servoit, et de qui l'on étoit aimé. On supposoit que la plus belle de toutes les dames ne pouvoit aimer que le plus brave de tous les chevaliers, et le parti du vainqueur trouvoit toujours son avantage dans cette heureuse supposition. Les écuyers qui s'étoient distingués dans les actions militaires recevoîent là chevalerie. L'espoir de cette glorieuse récompense enfantoit tous les jours des prodiges de valeur ; mais la politique avoit imaginé sagement une autre espèce de récompense pour les chevaliers même dont l'ardeur se seroit peut-être ralentie, s'ils n'eussent eu rien a espérer. On proposoit dans chaque armée un prix pour celui qui, dans une bataille ou dans un siége , ,auroit le mieux fait, selon le rapport des hérauts d'armes chargés d'examiner les combattans, dans toutes les circonstances de l'action, suivant le témoignage non équivoque de toute l'armée, au jugement des princes et des généraux : enfin le prix de la valeur étoit en usage partout où la chevalerie avoit étendu ses lois.
La chevalerie, toujours protégée par nos rois qui lui servirent et de guides et de modèles , mit elle seule la France dans un état triomphant : en sorte que si l'on vouloit faire l'histoire des triomphes de notre chevalerie, il faudroit répéter tout ce qu'on lit dans les fastes de notre histoire.
Si la politique savoit habilement mettre en œuvre et" l'amour de la gloire et celui des dames, pour entretenir des sentimens d'honneur et de bravoure dans l'ordre des chevaliers, elle savoit aussi que le lien de l'amitié si utile à tous les hommes, étoit nécessaire pour unir tant de héros , entre lesquels une double rjvalitépouvoitdevenir une source de divisions préjudiciables à l'intérêt commun. L'estime ou la confiance mutuelle donnoient naissance à ces engagemens : aussi voit-on des associations entre des chevaliers qui devenoient
a
frères ou compagnons d'armes , comme l'on parloit alors. Des chevaliers qui s'étoient trouvés aux mêmes expéditions , concevoient l'un pour l'autre cette inclination dont un cœur vertueux ne manque guère d'être prévenu , quand il trouve des vertus sernblabjes aux siennes.
Les fraternités d'armes se contractoient de plusieurs façons differentes. Trois chevaliers , suivant le roman de Lancelot, se firent saigner ensemble, et mêlerent leur sang.
D'autres compagnons d'armes imprimoient à leurs sermens les plus sacrés caractères de la religion i pour s'unir plus étroitement, ils baisoient ensemble la paix que l'on présente aux fidelles dans les cérémonies de la messe, quelquefois ils recevoient en même temps la communion.
L'assistance que l'on devoit à son frère d'armes , l'emportoit aussi sur celle que les dames étoient en droit d'exiger. Ce que l'on devoit au.prince l'emportoit sur tous les autres devoirs. Des frères d'armes , de nations différentes , n'étoient liés ensemble qu'autant que leurs souverains étoient unis ; et si les princes se déclaroient la guerre , elle entraî- noit la dissolution de toute société entre leurs sujets respectifs. Excepté ce cas , rien n'étoit plus indissoluble que les nœuds de cette fraternité. Les frères d'armes, comme s'ils eussent été membres d'une même famille, portoient une armure et des habits semblables. Ils vou- loient que l'ennemi pût s'y méprendre, et courir également les dangers dont l'un et l'autre étoient menacés. L'obligation de s'aider mutuellement dans leurs entreprises de chevalerie, sans pouvoir se séparer, les mettoit dans la nécessité de ne prendre que de concert aucun engagement.
Il n'y avoit pas de contrée où la chevalerie ne travaillât utilement pour le public ou les particuliers. Rien n'étoit petit ni méprisable aux yeux d'un chevalier, lorsqu'il s'agissoit de faire le bien. Avoit-il dans ses voyages ou dans ses expéditions , reçu l'hospice ou quelque assistance de l'homme de la plus vile condition , la reconnoissance ne le lui faisoit plus regarder que comme un noble et généreux bienfaiteur ; il se déclaroit à jamais son chevalier, et juroit de renoncer à tot* ce que la gloire lui pourroit otï'rir de plus brillant, pour s'acquitter de cette dette , pour le protéger, le défendre et le secourir au besoin. Ce serment étoit regardé comme inviolable.
Les anciens chevaliers méloient tellement la galanterie avec leur religion, qu'on nous
pardonnera de ne les jamais séparer. Dans ces temps-là le mérite le plus accompli d'un chevalier, consistoit à se montrer brave, gai , joli, et amoureux. Quand on avoit dit de lui qu'il savoit également parler d'oiseaux , de chiens ( car la chasse étoit une de leurs occupations favorites ) , d'armes , et d'amour, quand on avoit fait cet éloge de son esprit et de ses talens , on ne pouvoit plus rien ajouter à son portrait. On ne parloit point de l'amour sans définir l'essence et le caractère du parfait et véritable amour. Ces amans de l'âge d'or de la galanterie , se vantoient de n'aimer que les venus, les tarions et les grâces de leurs dames, d'y trouver l'unique source du bonheur de leur vie , et de n'aspirer qu'à maintenir, qu'à exalter, et qu'à répandre en tous lieux la réputation, et la gloire qu'elles s'étoient acquises. Prodigues de louanges exagérées, ils ne se seroient jamais permis d'avouer qu'il y eu t une dame plus belle que celle quels servoient. Aux tendres conversations de nos chevaliers, succédoient plusieurs jeux qui rouloient sur la galanterie , et dont quelques-uns nous sont demeurés.
Notre histoire nous présente sur le trône plusieursprinces qui furent à la fois les modèles et les protecteurs de la chevalerie. Mais de tous ces illustres monarques, les plus propres, ce me semble, à la faire fleurir, furent Charles VI, Charles VII, et François I". On eût dit que le ciel avoit fait naître François Ier pour ressusciter, dans l'état militaire, l'esprit de chevalerie. L'on ne peut douter que l'élévation de son génie et de son courage, aussi1 bien que son amour pour la guerre , ne lui en eussent inspiré le désir. Plus intéressé qu'aucun autre à faire valoir les vertus guerrières, il avoit témoigné combien il les estimoit, lorsqu'à la journée de Marignan , il avoit voulu que Bayard l'armât chevalier. François Ier, en s'abaissant, pour ainsi dire, devant son sujet, en recevant de lui l'accolade, mon- troit à l'univers , que les actions de valeur ne le cèdent point aux titres de la plus haute naissance. Mais de quelque sentiment qu'il fût pénétré pour la bravoure, il jugea qu'un grand roi devoit également sa protection à toute espèce de mérite. 1l crut ne pouvoir porter trop loin son amour et son estime pour ceux qui se rendoient recommandables par quelque talent que ce fût, dans quelque rang que le sort les eût fait naître. Il ne vit entre eux d'autre distinction , d'autre supériorité que celle du mérite même. Sur ce principe il décora de l'épée de chevalier , les hommes célèbres par la connoissance des lois , des sciences et des lettres. Par cette conduite il voulut faire comprendre à la noblesse, presque toute guerrière alors , qu'elle devoit réserver tme partie de son estime à des qualités qui concourent, avec les talens militaires , au bonheur comme à la gloire d'un état. Les chevaliers créés pour les services militaires, ou descendus des premiers défenseurs de la patrie , aimèrent mieux laisser déchoir la dignité de chevalier, que d'en partager l'honneur avec ceux qu'on appeloit chevaliers ès- lois, chevaliers lettrés, et de consentir à les regarder comme leurs égaux. Par une jalousie" bizarre, on en vint insensiblement à négliger de se faire armer chevalier, ou sur la brèche , ou sur le champ de bataille , parceque la chevalerie avoit été conférée à des magistrats, à des gens de lettres. Cependant , rendre la justice, c'étoit remplir une des fonctions essentielles de l'antique chevalerie. On ne fit pas attention que les magistrats combattoient sans cesse les plus dangereux ennemis de l'état, les perturbateurs du repos public. On rie trouve depuis François Ier, que des exemples très - rares de ces créations de chevaliers , auxquelles l'ancienne noblesse rap- portoit son éclat et son lustre.
Depuis cette
époque, nous ne connoissons presque plus de chevaliers faits sur le champ de bataille, que le brave Montluc qui reçut l'accolade du duc d'Enguien après la bataille de Cerisolles, en i544. Le funeste accident qui fit périr Henri II, au milieu de sa cour et sous les yeux de toute une nation à laquelle il étoit cher, produisit dans les esprits une nouvelle révolution qui acheva d'abolir la chevalerie. Le coup mortel que reçut ce prince, éteignit dans le cœur des Français l'ardeur qu'ils avoient témoignée jusque là pour les joutes et les tournois. On craignit de se rappeler, à la vue de ces spectacles, l'idée d'un malheur qui avoit jeté la France dans la consternation , et peut-être encore d'en attirer d'autres semblables. Les tournois, ces ressorts si puissans pour faire mouvoir les chevaliers, ayant cessé presque totalement, entraînèrent par leur chute celle de la'chevalerie même.
(Fin du premier chapitre)
L'art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l'orchestre.
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Re: Histoire de la chevalerie française

Messagede cracou » Ven Juil 24, 2009 2:45 pm

interessant. Gondolant mais intéressant

J'aime particulièrement

otre histoire nous présente sur le trône plusieursprinces qui furent à la fois les modèles et les protecteurs de la chevalerie. Mais de tous ces illustres monarques, les plus propres, ce me semble, à la faire fleurir, furent Charles VI, Charles VII,".


qui ont mis en place l'armée de métier, l'artillerie et qui ont tout fait pour que les chevaliers arêtent de faire les cons en chargeant n'importe comment. Si on veut parler chevalerie, il faut remonter bien plus loin (Louix IX à Charles V)
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